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L'éducation : la plus précieuse des médecines préventives

  • gireglanos
  • 8 juil.
  • 13 min de lecture

Dernière mise à jour : 9 juil.

Cet article est un léger pas de côté, qui n'ira pas puiser dans les sources anciennes de la médecine mais dans la psychologie issue du courant analytique du XXe siècle. Et qui donnera très largement la parole à son auteur tant le propos se suffit à lui-même.


Par un hasard étonnant je me suis plongé le 8 mai dernier, au cœur d'un petit village alsacien, dans le livre de la psychanalyste suisse Alice Miller "C'est pour ton bien - Racines de la violence dans l'éducation de l'enfant"*, dont j'avais entendu des éloges. Le sujet de l'éducation brille dramatiquement par son absence dans les études médicales modernes et bien que ce manuscrit n'est pas issu d'une tradition médicale stricto sensu, il me semble fondamental d'y porter notre attention. Je voulais depuis quelques temps partager une source intéressante qui aborde le sujet de l'éducation maltraitante comme exploration causale de certaines graves affections psychiques (ou somatiques). Nous voilà servi en nous plongeant au cœur des traumatismes d'enfance d'un tyran tristement célèbre.


La lecture analytique d'Alice Miller de l'enfance d'Adolf Hitler (qui prend une place toute particulière dans l'ouvrage), a été une vraie révélation tant jamais le dictateur ne m'avait été présenté sous cet angle. La courageuse car inhabituelle capacité de la psychologue à déconstruire l'idée d'un "monstre né monstre" résonne avec les constats faits années après années dans ma pratique médicale sur les conséquences majeures des traumatismes graves de la petite enfance. Et, certains sceptiques pourraient se questionner : éducation et pratique médicale... il y a une différence de sujet ! En vérité si peu. La corrélation entre violences, maltraitances et pathologies de santé (de tous types - et particulièrement psychiatriques) ne cesse de se confirmer lorsqu'on laisse la parole se délier en consultation. Lorsque le complexe corps-psyché subit des violences précoces, notamment perpétuées par les parents, il entretient ces violences en lui-même et parfois en dehors de lui-même comme seul moyen connu d'expression de vie. Ce fut le cas tragique d'Adolf Hitler. Il est bien sûr nécessaire d'apprendre à faire la distinction entre l'analyse factuelle des causes de sa folie et la non-justification absolue de ses actes. La compréhension lucide n'exclut pas la condamnation juridique.


C'est donc la plus grande des préventions que de comprendre les racines du mal, et nous sommes là je crois complètement aux "sources du soin", justement. Et de surcroit, ne cesser de passer l'éducation bienveillante des générations futures en priorité est la prévention médicale, sociale, environnementale et politique... par excellence.


Mais je laisse les mots d'Alice Miller parler d'eux-mêmes. J'expose ici quelques idées maîtresses de son exposé mais j'encourage à lire ce dernier dans son intégralité, car il est impossible dans cet article de synthétiser tous les tenants et aboutissants de la démonstration où, je crois, chaque détail compte.


"Pour comprendre la genèse d'une haine insatiable qui dure toute une vie, comme celle d'Adolf Hitler, il faut faire un pas de plus. Il faut quitter le terrain familier de la théorie des pulsions et vouloir bien se poser la question de ce qui se passe chez l'enfant qui est, d'un côté, humilié et rabaissé par ses parents et qui a, d'un autre côté, le devoir impératif d'aimer et de respecter la personne qui l'offense et de n'exprimer en aucun cas ses souffrances. Alors que l'on attendrait jamais quelque chose d'aussi absurde d'un adulte (sauf dans les cas de relations sado-masochistes caractérisées), c'est ce que les parents attendent dans la plupart des cas de leurs enfants, et dans les générations passées, cette attente était rarement déçue. Dans ces premières années de vie, on parvient encore à oublier les pires cruautés et à idéaliser l'offenseur. Mais toute la mise en scène ultérieure trahit le fait que l'histoire de la persécution de la petite enfance a été enregistrée quelque part ; elle se déroule alors devant les spectateurs et leur est rapportée avec une incroyable précision, mais précédée d'un autre signe : l'enfant torturé devient dans la nouvelle version le tortionnaire. (...)


La vie de Hitler a été, jusqu'à son dernier jour, observée de si près, par de si nombreux témoins qui en ont rendu compte, qu'il n'est pas difficile de retrouver dans ces documents la mise en scène de la situation de la petite enfance. (...) Étant donné que les historiens s'occupent des faits extérieurs et les psychanalystes du complexe d’œdipe, il semble que peu d'entre eux se soient réellement demandé ce que cet enfant avait pu ressentir, ce qu'il avait emmagasiné en lui alors qu'il était dès son plus jeune âge quotidiennement battu et humilié.


D'après les documents dont nous disposons, nous pouvons assez facilement nous faire une image de l'atmosphère dans laquelle Adolf Hitler a grandi. La structure de sa famille pourrait être considérée comme le prototype du régime totalitaire. La seule autorité incontestée et souvent brutale y est le père. La femme et les enfants sont totalement soumis à sa volonté, à ses caprices et à ses humeurs ; ils doivent accepter les humiliations et les injustices sans poser de question et même avec reconnaissance ; l'obéissance est le premier principe de vie. La mère a certes son domaine dans l'entretien de la maison, où elle tient lieu d'autorité vis-à-vis des enfants quand le père n'est pas là, où elle peut, autrement dit, se venger sur encore plus faible qu'elle des humiliations qu'elle a elle-même subies. Dans l’État totalitaire, cette fonction est à peu près celle des forces de sécurité, ce sont les gardiens d'esclaves, qui sont eux-mêmes des esclaves, qui exécutent les désirs du dictateur, le représentent en son absence, terrorisent et punissent en son nom, et règnent sur tous ceux qui n'ont aucun droit.


Ceux qui n'ont aucun droit, ce sont les enfants. Si jamais ils ont des cadets, il s'ajoute encore un domaine où ils peuvent abréagir leurs propres humiliations. Dès lors qu'il y a plus faible ou plus démuni que soi, on n'est plus le dernier esclave. (...)"


Pour expliquer la genèse de cette tyrannie paternelle, l'analyste décortique l'enfance du père d'Hitler, prénommé Aloïs, dont l'origine paternelle reste inconnue ; et de fait, sa judéité ou non (!). En croisant plusieurs travaux de biographes, elle constate ces plusieurs points qui offrent un aperçu sur la mentalité ambiante (antisémite notamment) dans l'Autriche du XIXe siècle :


" Aloïs était marqué d'une multiple opprobre :

  1. celle de la pauvreté ;

  2. de la naissance illégitime ;

  3. de la séparation de la mère à l'âge de cinq ans et

  4. du sang juif.


Sur les trois premiers points, il n'y avait aucun doute ; le quatrième n'était peut-être qu'une rumeur, mais cela ne rendait pas les choses plus faciles. Comment se défendre d'une bruit qui court, de quelque chose dont personne n'ose parler ouvertement et qu'on ne fait que murmurer ? Il est plus facile de vivre avec des certitudes, même les pires. On peut par exemple faire une telle ascension dans sa carrière professionnelle qu'on efface toute trace de pauvreté. Et Aloïs y réussit effectivement. (...) Mais la question de sa propre origine resta toute sa vie sans réponse.

L'incertitude sur sa propre origine, si elle n'est ni vécue consciemment ni consciemment soumise à un travail de deuil, peut plonger l'individu dans l'angoisse et le trouble les plus profonds, surtout lorsqu'elle est liée à un bruit honteux que l'on ne saurait ni confirmer ni réfuter entièrement. (...)

Il n'est guère vraisemblable qu'Aloïs Hitler ait pu vivre consciemment ce type de besoins ; en outre, il ne pouvait guère idéaliser le père inconnu alors que le bruit courait que celui-ci aurait été juif, ce qui signifiait dans son entourage l'opprobre et l'isolement. La procédure de changement de nom (...) montre bien que la question de son origine était extrêmement importante en même temps que conflictuelle pour Aloïs.

Or les conflits émotionnels ne s'éliminent pas avec les documents officiels. Tout ce poids de trouble intérieur combattu par l'effort, la place de fonctionnaire, l'uniforme et le comportement arrogant se répercutaient sur les enfants.


Ces répercutions prirent acte par la violence physique. À une époque où les prétendues vertus de la "pédagogie noire" étaient théorisées entre autres par le renommé docteur Schreber (ses écrits sont glaçants), l'éducation punitive ne semblait pas avoir si mauvaise presse, occultant dramatiquement ses conséquences. Alice Miller s'évertue à démontrer que quelques biographes du dictateur se trompent clairement en minimisant, voire en démentant l'importance des violences reçues par le jeune Adolf. Franz Jetzinger écrit à ce sujet :


" On a écrit également que le gamin aurait été rudement battu. (...) Le "Führer" lui-même racontait à ses secrétaire, à qui il aimait bien conter des sornettes, que son père lui avait administré un jour trente coups sur les reins ; (...), il le méritait bien, mais en aucun cas on peut dire qu'il faisait partie des enfants battus ; son père était fondamentalement un homme de progrès."


Et la psychanalyste de commenter :


" Si les témoignages historiques de Jetzinger sont exacts, et il n'y a aucune raison d'en douter, il ne fait que confirmer, par sa "démonstration", ma conviction profonde qu'Adolf ne fut pas uniquement battu une fois grand, mais l'était déjà tout petit, à moins de quatre ans. (...) car toute la vie d'Adolf en fait la preuve. Ce n'est pas par hasard que, dans Mein Kampf, il parle lui-même très souvent de l'enfant ("disons") de trois ans. (...) Tous les passages de ce style donnent bien l'impression qu'Aloïs reportait sur son fils la fureur aveugle qu'avaient éveillée en lui les humiliations de son enfance, et les lui faisait payer en le battant. (...)


Le battant quasi à mort à l'âge de onze ans... "pour avoir voulu se libérer par la fuite d'une situation qui lui devenait insoutenable."


La manière dont Hitler enfant avait véritablement vu son père, il la montra, en reprenant inconsciemment son comportement et en le rejouant activement dans l'histoire mondiale. Le dictateur aux gestes saccadés, un peu ridicule, avec son uniforme, tel que Chaplin l'a représenté dans son film ou tels que le voyaient ses ennemis, c'était Aloïs sous le regard critique de son fils. Le grand Führer, aimé et admiré du peuple allemand, c'était l'autre Aloïs, celui qu'aimait et admirait Klara, la mère soumise, dont le tout petit Adolf avait incontestablement partagé le respect et l'admiration. (...) Hitler a véritablement réussi, par une compulsion inconsciente de répétition, à transférer son propre traumatisme familial à l'ensemble du peuple allemand. L'instauration des lois raciales contraignait tous les citoyens à prouver leurs origines en remontant jusqu'à la troisième génération et à en tirer les conséquences. (...) Sous le Troisième Reich il n'y avait pas de comportement, d'effort ni de mérite qui pût être de quelque secours que ce soit - en tant que juif on était, de par son origine, condamné à l'humiliation et plus tard à la mort. Ne trouve-t-on pas là un double reflet du destin de Hitler ?


Caricature d'Adolf Hitler
Caricature d'Adolf Hitler

Alice Miller démontre donc bien ici l'impossibilité de son père à échapper à la "tare" supposée de son passé, et l'impossibilité du fils de "se dérober aux coups qu'il recevait de son père, car la cause de des coups résidait dans les problèmes du père non résolus, dans le refus du deuil de sa propre enfance, et non dans le comportement de l'enfant." (...) Adolf, lui, était sûr que les châtiments continueraient. Quoi qu'il fît, cela ne changeait rien aux coups auxquels il pouvait quotidiennement s'attendre. Il ne lui restait donc plus qu'à nier la douleur, autrement dit à se nier lui-même et à s'identifier avec l'agresseur." (...)


"Qu'est-ce que le fils n'a pas entrepris pour oublier le traumatisme des agressions paternelles : il a su dominer la classe dirigeante allemande, il a gagné les masses, mis à ses pieds les gouvernements des autre pays d'Europe. Il est parvenu à un pouvoir presque illimité. Mais la nuit, dans le sommeil, là où l'inconscient fait revivre à l'homme les expériences de la petite enfance, il n'y avait plus d'échappatoire : le père terrifiant lui apparaissait et l'horreur se déployait. Rauschning écrit : "Ce qui est plus grave et indique déjà le dérangement de l'esprit, ce sont les phénomènes de persécution et de dédoublement de la personnalité. (...) A certains moments, ces états morbides prennent un caractère d'obsession. Une personne de son entourage m'a dit qu'il s'éveillait la nuit en poussant des cris convulsifs. Il appelle au secours. Assis sur le bord du lit, il est comme paralysé. Il est saisi d'une panique qui le fait trembler au point de secouer le lit. Il profère des vociférations confuses et incompréhensibles. Il halète comme s'il était sur le point d'étouffer. (...) Hitler était debout, dans sa chambre, chancelant, regardant autour de lui d'un air égaré. - "C'est lui ! C'est lui ! il est venu ici." gémissait-il."


Et Alice Miller de commenter : "L'extermination du monde entier n'aurait pas suffi à éloigner le père d'Adolf Hitler de sa chambre, car la destruction du monde ne suffit pas à détruire son propre inconscient".


On ne peut parler de l'enfance d'un être humain sans évoquer sa mère. Celle d'Adolf Hitler vécu le terrible destin de perdre trois enfants emportés par la diphtérie. "Klara a donc dû vivre en quatre à cinq semaines une naissance et la mort de trois enfants. Il n'est pas besoin qu'une femme soit particulièrement sensible pour être déséquilibrée par un choc pareil, surtout avec un mari autoritaire et exigeant, alors qu'elle-même sort à peine de l'adolescence." Le futur dictateur fut accueilli dans ce monde deux années plus tard par une mère sortant d'un triple deuil... "Il est (...) vraisemblable que l'inquiétude de la mère, le souvenir tout récent des trois enfants morts, réactivé par la naissance d'Adolf, et l'angoisse consciente ou inconsciente de voir cet enfant mourir à son tour se soient transmis au nourrisson comme des vases communicants. La rancœur contre son mari égocentrique, qui la laissait seule avec sa souffrance psychique, Klara ne pouvait pas non plus la vivre consciemment ; elle dut la faire ressentir d'autant plus vivement à l'enfant dont elle n'avait pas besoin d'avoir peur comme d'un maître et seigneur." (...)


" Je suis absolument persuadée que derrière tout crime se cache une tragédie personnelle. (...) Mais nous ne savons pas encore ce que c'est que la dégradation de l'enfant. Le respect de l'enfant et la connaissance de ce que peut être son humiliation ne sont pas des notions intellectuelles. Sinon, il y a longtemps qu'elle seraient généralement établies. Ressentir avec l'enfant ce qu'il ressent lorsqu'il est dépouillé, blessé, humilié, c'est en même temps revoir comme dans un miroir les souffrances de sa propre enfance, ce dont beaucoup d'hommes se défendent parce qu'ils en ont peur, alors que d'autres l'admettent et en éprouvent le deuil. Les êtres qui ont suivi ce chemin du deuil en savent ensuite davantage sur la dynamique du psychisme qu'ils n'auraient jamais pu en apprendre dans les livres.


La chasse aux hommes d'origine juive, la nécessité de prouver sa "pureté raciale" jusqu'à la troisième génération, la gradation des interdictions en fonction de la pureté des origines paraissent au premier abord grotesques. En effet, on ne peut en comprendre le sens que si l'on se représente que, dans les fantasmes inconscients d'Adolf Hitler, elles matérialisaient deux puissantes tendances : d'un côté, son père était le juif haï qu'il méprisait, faisait chasser, persécuter par ses prescriptions et terroriser, car son père aurait aussi été frappé par les lois raciales s'il avait encore vécu. Mais en même temps - et c'était l'autre tendance -, les lois raciales scellaient la rupture d'Adolf avec son père et avec ses origines. A côté de la vengeance contre le père il y avait, parmi les principales motivations des lois raciales, la terrible incertitude de la famille d'Hitler : il fallait que le peuple tout entier prouvât la pureté de ses origines en remontant jusqu'à la troisième génération parce qu'Adolf Hitler aurait bien voulu savoir avec certitude qui avait été son grand-père. Et surtout, le juif devint porteur de tous les traits méprisables et mauvais que l'enfant avait pu découvrir chez son père. La représentation qu'avait Hitler de la judéité, avec son mélange très caractéristique de grandeur et de pouvoir démesurés et diaboliques (la coalition des juifs prêts à détruire le monde) d'un côté et la faiblesse et la fragilité du juif dans toute sa laideur, de l'autre, reflète la toute-puissance que même le plus faible des pères possède sur son fils : le fonctionnaire des douanes faisant des scènes pour exprimer son insécurité profonde et détruisant véritablement l'univers de l'enfant."


Enfin, Alice Miller précise le dynamisme en jeu dans son lien à sa mère et quand à sa projection sur la "mère patrie" : "Comme elle était elle-même humiliée et complètement soumise à son mari, elle ne pouvait pas protéger l'enfant. Maintenant il fallait qu'il (Adolf) sauve la mère (l'Allemagne) de l'ennemi, pour avoir ensuite une mère pure, forte, débarassée de tout sang juif, qui lui apporte la sécurité. Les enfants imaginent très souvent, dans leurs fantasmes, qu'ils doivent libérer ou sauver leur mère pour qu'elle soit enfin vis-à-vis d'eux celle dont ils auraient jadis eu besoin. Cela devient parfois même une occupation à plein temps dans une existence. Mais étant donné que jamais un enfant n'a la possibilité de sauver sa mère, la compulsion de répétition de cette impuissance conduit immanquablement à l'échec, voire à la catastrophe, quand elle n'est pas vécue et identifiée à sa source."


Elle conclut alors son exposé comme suit :


"J'ai seulement pris ici Hitler comme exemple pour montrer :

  1. Que même le plus grand criminel de tous les temps n'est pas venu au monde comme criminel ;

  2. que le fait de comprendre le destin d'un enfant n'empêche pas de mesurer l'horreur et de la cruauté ultérieure (cela vaut aussi bien pour Aloïs que pour Adolf) ;

  3. que la persécution repose sur le mécanisme de défense contre le rôle de victime ;

  4. que l'expérience consciente de son propre rôle de victime protège mieux du sadisme, c'est-à-dire du besoin compulsionnel de torturer et d'humilier les autres, que la défense contre ce rôle ;

  5. que l'obligation de ménager ses parents, issue du quatrième commandement et de la "pédagogie noire", conduit à ignorer des facteurs décisifs de la petite enfance et de l'évolution ultérieure d'un être ;

  6. qu'un adulte ne résout pas ses problèmes par les accusations, l'indignation et les sentiments de culpabilité mais doit chercher à comprendre les corrélations ;

  7. que la véritable compréhension sur le plan émotionnel n'a rien à voir avec une pitié ni un sentimentalisme de bas étage ;

  8. que le fait qu'une corrélation soit générale ne nous dispense pas de l'analyser, bien au contraire, puisqu'elle est ou risque d'être le destin de tous ;

  9. que l'abréaction de la haine est le contraire de son expérience vécue. L'expérience est une réalité intrapsychique, l'abréaction est une action qui peut coûter aux autres la vie. (...)



Chaque destin de vie est différent et une enfance brisée par la maltraitance et la violence ne conduira pas nécessairement à un destin de tyran, bien entendu. Les dégâts psychiques précoces s'expriment dans un éventail infini de souffrances à l'âge adulte, de la psychose à la névrose, de la violence sexuelle à l'auto-destruction par la drogue ou par les troubles du comportement alimentaire. Dans toutes ces "affections", les causes génétiques et congénitales, environnementales et toxiques, infectieuses parfois, "aléatoires" ou "idiopathiques" rarement, ne sont jamais à exclure totalement. Tout n'est certes pas "que" psychologique. Mais le monde émotionnel est détenteur d'une telle puissance, il définit tant de paramètres de développement et domine tant le corps physique dans son expression qu'il est impératif de le prendre très sérieusement en considération.


Vu sous cet angle, l'histoire d'Adolf Hitler met en lumière le principe du syndrome de répétition de la violence. Le peuple juif en a payé des conséquences désastreuses et depuis des décennies, voici une partie de ses dirigeants embarquée dans un cycle de violences sans fin au Moyen-Orient.


Ici, la médecine se doit impérativement de revoir ses concepts de segmentation corps-psyché dans sa pratique, de réhabiliter une compréhension beaucoup plus profonde des enjeux de ce qui oeuvre incidieusement dans la profondeur d'un être humain malade et blessé. Le refoulement forcé et l'étouffement affectif n'ont pas permis à Adolf Hitler de vivre consciemment sa haine et sa souffrance, qui se sont en toute logique décuplées et déversées à l'extérieur de lui.


Médecins généralistes, pédiatres, neurologues, psychiatres... notre rôle ne doit pas se cantonner à établir un diagnostic, à dépister une situation de maltraitance et à prescrire quelques pilules pour apaiser les souffrances. Il faut aller plus loin. Avant tout, ré-enseigner ces lois psychiques évoquées par cette analyste, en faire un axe majeur de notre formation à long terme. Comprendre le noeud à la racine au lieu de traiter les branchages, quel bénéfice et quel gain de temps sur le long terme ! Et prendre le temps. Interroger longuement, écouter et accueillir l'histoire intime personnelle et intergénérationnelle, ne jamais condamner une blessure, ne pas juger des affects et apprendre à différencier ce qu'un être humain fait de ce qu'il est.


Ceci est le premier pas pour montrer à "l'enfant blessé" en chacun de nous qu'il a le droit, tout d'abord, d'être entendu.



                                   Alice Miller                                                                 (photo empruntée au site https://totallyhistory.com/alice-miller/ )
Alice Miller (photo empruntée au site https://totallyhistory.com/alice-miller/ )

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*Alice Miller. C'est pour ton bien. Racines de la violence dans l'éducation de l'enfant. Aubier, 1984



 
 
 

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